Se souvenir de Kristallnacht, 80 ans après

Entre les 9 et 10 novembre 1938, une série de pogroms sont perpétrés dans la Grande Allemagne. Mieux connu sous le nom de Kristallnacht (Nuit de cristal), en référence aux tessons de vitrines brisées durant les attaques, ces actes de violence antisémites sont fomentés par des dirigeants nazis. Durant la Nuit de cristal, 91 Juifs sont assassinés et entre 25 000 et 30 000 hommes juifs sont arrêtés et déportés vers des camps de concentration, notamment Dachau, Buchenwald et Sachsenhausen. Plus de 200 synagogues sont incendiées – les pompiers ayant reçu l’ordre de ne pas éteindre les feux – alors que des milliers de commerces et foyers juifs sont mis à sac. De nos jours, cette attaque planifiée par le IIIe Reich est perçue comme un tournant décisif dans la politique nazie de persécution systématique des Juifs.

La montée des persécutions

Plusieurs survivants publiés dans le cadre du Programme des mémoires de survivants de l’Holocauste témoignent de la montée des persécutions à l’encontre des Juifs en Allemagne avant la Seconde Guerre mondiale, dont Kristallnacht constitue le point culminant.

Née à Cologne (Allemagne) en 1928, Margrit Rosenberg Stenge n’est qu’une enfant lorsqu’elle expérimente pour la première fois les retombées de la politique antisémitique nazie. Contrainte de poursuivre sa scolarité dans une école juive, elle raconte dans ses mémoires Le Chalet du silence ses inquiétudes.

Après avoir dû changer d’école, j’ai compris qu’une forme d’opprobre était associée à mon identité juive. J’ai surpris des conversations entre mes parents au sujet d’Adolf Hitler et de l’antisémitisme qu’il prêchait, bien qu’ils ne se sentaient pas encore ciblés par ces discours […] Mais, à mesure que la voix du Führer accaparait les ondes, ses vociférations et divagations à l’encontre des Juifs aggravaient d’autant la contrariété de mon père. (8)

Comme en témoigne Margrit, la politique nazie qui vise à isoler et humilier la population juive allemande s’accompagne rapidement d’actes de violence et de vandalisme.

Dans ses mémoires Un Terrible revers de fortune, Fred Mann se souvient de Kristallnacht et de la destruction du quartier juif de Leipzig.

Carte d’identité allemande de Fred Mann délivrée à Leipzig le 11 juillet 1939.
Cette nuit-là, la somme de toutes les informations et de tous les symboles traditionnels qui témoignaient de la vie de la communauté juive à Leipzig et dans le reste de l’Allemagne, est partie en fumée. (45)
En traversant la ville à pied, j’ai découvert avec stupeur les synagogues incendiées et les magasins juifs pillés et mis à sac. Le quartier juif de Leipzig […] avait connu le pire. Cette nuit-là, presque tous les commerçants et les grossistes juifs avaient perdu leurs biens. La destruction avait été non seulement totale, mais systématique (51).
Lors de la Nuit de cristal, on avait non seulement mis le feu à des synagogues et détruit des biens juifs, mais cette nuit-là avait également servi de test. Elle avait démontré l’efficacité de nombreuses années de propagande antijuive, témoignant du lavage de cerveau subi par la population. Le peuple n’avait manifesté aucune réticence à participer à cette œuvre de destruction. Les visages des Allemands photographiés pendant cette nuit impardonnable où on leur avait donné la « liberté de détruire » en disent long. On nous répète que seule une partie de la population avait pris part aux événements atroces de cette nuit-là, mais dès lors qu’on scrute les spectateurs, on ne constate guère de différence entre l’expression de leurs visages et celle des auteurs de ses crimes. Le reste du monde n’a aucune excuse de n’avoir pris aucune mesure à l’encontre des Allemands pour signifier le caractère parfaitement intolérable de tels actes. À partir de quand étions-nous en droit d’attendre que des êtres humains dignes de ce nom prennent enfin position face à des actes de destruction volontaires et des meurtres entièrement planifiés? (51)

Dans cette vidéo, Joseph Schwarzberg témoigne de Kristallnacht (Nuit de cristal) à Leipzig, alors qu’il était âgé de 12 ans.

Les mémoires de Joseph Schwarzberg Dangerous Measures seront disponibles (en anglais) le 25 novembre 2018. Pour en apprendre davantage sur Joseph et pour commander son livre :

80 ans après…

Dans le contexte politique actuel, se souvenir de Kristallnacht constitue un devoir de mémoire, mais aussi un rappel de l’importance des valeurs de tolérance et de respect de l’autre. Plusieurs commémorations de Kristallnacht auront lieu cette semaine à travers le Canada, notamment à Vancouver, Toronto et Montréal.

Pour en apprendre davantage sur les mémoires de survivants de l’Holocauste publiés par la Fondation Azrieli