Sur les sentiers de la guerre
Des activités clandestines
Un matin, tandis que je prenais mon café et mon petit pain dans la salle à manger de la pension, un milicien est venu me voir. Après s’être identifié, il m’a conseillé de ne pas quitter l’hôtel ce jour-là. J’étais très perplexe. Les pensées se bousculaient dans ma tête. Tentait-il de me piéger ? Quelles étaient ses motivations ? Disait-il la vérité ? J’ai répondu calmement que je ne voyais aucune raison de ne pas sortir. Et je suis effectivement sorti. Je n’avais pas parcouru plus de 80 mètres quand j’ai été arrêté et sommé de me diriger à un point de rassemblement où d’autres comme moi se trouvaient. Nous avons été menés par groupes à un cinéma situé tout près. On nous a alignés afin qu’un membre de la Milice puisse nous interroger. Il y avait des Juifs devant moi. Certains craignaient de présenter leurs faux papiers, d’autres ne pouvaient affronter l’interrogatoire. Dès que les miliciens se sont rendu compte qu’ils étaient Juifs, ils les ont assaillis. À coups de poing et de botte, ces brutes s’acharnaient sur leurs victimes. Plus ces dernières criaient pour supplier leurs assaillants d’arrêter, plus ils se montraient cruels et monstrueusement violents.
Puis mon tour est arrivé. Mon interrogatoire s’est déroulé dans le calme, mais les miliciens s’obstinaient à dire que je devais avoir un parent ou un grand-parent juif. J’ai semé le doute dans leurs esprits en niant fermement leurs accusations et en insistant sur l’authenticité de mes papiers. Ils m’ont mené avec plusieurs autres personnes dans un bus sous étroite surveillance. Le véhicule nous a ensuite conduits à une prison, où j’ai été enfermé dans une petite cellule. Tard le soir, un prêtre m’a rejoint dans ma cellule. Il s’est aussitôt montré amical et a commencé à maudire les miliciens. Il avait aussi de la nourriture et quand il m’en a offert, j’ai accepté, car j’avais très faim. Assis près de moi, il ne cessait de maudire nos bourreaux. Flairant une provocation, je les ai tout de suite défendus en affirmant qu’ils effectuaient simplement leur travail. Le prêtre a passé la nuit dans ma cellule, mais le lendemain matin, on l’en a sorti. J’ai été interrogé de nouveau, mais cette fois, sur la question des activités menées contre le régime de Vichy et l’occupant allemand. J’ai aussitôt composé mon personnage de garçon stupide, un rôle que j’avais très bien répété, et ils ont feint de s’intéresser à mon opinion sur le sujet. J’ai dû passer une autre nuit dans ma cellule, sans pour autant abandonner mon personnage.