Libérer nos récits

Alex bkgd

Alex Levin

Naissance

En 1932 à Rokitno (Pologne, aujourd’hui en Ukraine)

Expérience de survie

Au ghetto de Rokitno, puis en clandestinité dans des forêts en Pologne et en Ukraine

Libération

Le 6 janvier 1944 à Rokitno (Pologne, aujourd’hui en Ukraine)

Libérateurs

Armée rouge (Union soviétique)

Alex Levin et son frère ont été séparés de leurs parents et du reste de leur famille lorsqu'ils ont fui pour échapper à un assassinat collectif survenu aux abords du ghetto de Rokitno. Ils ont réussi à se cacher pendant plus d'un an, trouvant parfois refuge dans les forêts de Pologne orientale et d’Ukraine. Alex et ceux qui se cachaient avec lui dans la forêt ont souffert des terribles conditions hivernales et ont survécu grâce au peu de nourriture qu'ils trouvaient. En décembre 1943, les Allemands battaient en retraite vers l'Ouest. Qu'arriverait-il à Alex s’il s'aventurait hors des bois ?

Alex avec son libérateur de l’Armée rouge. Rokitno, janvier 1944.

Finalement, le 6 janvier 1944, l’Armée rouge a libéré Rokitno et s’est lancée vers l’ouest à la poursuite des nazis. Notre groupe de survivants faisait pitié à voir. Nous avons eu du mal à accepter l’idée que nous devions quitter la forêt. Nos souffrances quotidiennes au fond des bois de Polésie avaient créé un lien profond entre nous.

Nous avions appris à vivre protégés par les bois, mais il nous fallait maintenant affronter une terrible réalité : le sort fait à nos familles et à notre communauté. Nous avons quitté notre abri dans les bois pour aller vers un monde inconnu.

Le sergent-major m’a amené voir Boris Markovitch Krupkin, qui dirigeait l’hôpital de campagne de l’Armée rouge no2408 de la 13ème armée du premier front ukrainien. Krupkin, un petit homme corpulent avec un grand front, a écouté notre histoire et a ordonné qu’on m’emmène immédiatement aux bains de l’armée, qu’on me nettoie et qu’on me revête d’un uniforme provisoire en attendant d’en avoir un taillé sur mesure. C’est ainsi que je suis devenu « fils du régiment », recrue de l’hôpital de campagne et officiellement orphelin. J’avais onze ans.

Nous avons quitté notre abri (…) pour aller vers un monde inconnu.

Des partisans dans une forêt enneigée. Crédit : Yad Vashem.

Alex en « fils du régiment » de l’Armée rouge. Sarny, février 1944.

Après sa libération, Alex a voulu s’enrôler dans l'armée pour venger la mort de ses proches. Il s’est donc formé à l'école militaire, avant d’incorporer l'armée soviétique. Mais, victime d'antisémitisme, il a commencé à redouter la dictature soviétique. Exclu de l'armée en 1967, Alex a quitté l'Union soviétique en 1975 pour rejoindre son frère, Samuel, au Canada. Pendant longtemps, il a gardé le silence sur ses expériences pendant la guerre. Alors qu'il jouissait d'une vie stable et remplie de succès au Canada, Alex a enfin trouvé le courage de partager son histoire.

Alex, nouvelle recrue de l’École militaire Souvorov. Voronej, Union soviétique, 1946.

Je voulais, comme je le désirais déjà quand j’étais petit, faire quelque chose pour aider à empêcher une horreur comme l’Holocauste de se reproduire. On dit que ceux qui ignorent leur propre histoire sont destinés à la revivre. J’étais hanté par cette idée et, maintenant que j’étais quasiment à la retraite, je me suis enfin lancé.

Cela m’a demandé beaucoup d’efforts et un certain courage pour arriver à parler à des étrangers de ce qui m’était arrivé.

Alex raconte son histoire à des étudiants. Markham, 2014.

Alex raconte son histoire à des étudiants. Markham, 2014.

J’ai commencé à travailler pour des organisations d’éducation sur l’Holocauste, ce qui impliquait que je rompe mon long silence sur mes terribles expériences. C’était très difficile. Cela m’a demandé beaucoup d’efforts et un certain courage pour arriver à parler à des étrangers de ce qui m’était arrivé pendant la guerre. Néanmoins, je suis devenu conférencier, me rendant dans les écoles et d’autres organismes pour informer et partager mon histoire. Je savais qu’il était important que la jeune génération apprenne sur ces événements de quelqu’un qui avait eu une expérience directe de l’Holocauste, pour entendre raconter non seulement l’horreur, mais aussi la façon dont quelques-uns d’entre nous avaient réussi à survivre.