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Premier extrait: A Tapestry of Survival
Leslie (à droite) avec son frère Louis (Lali), tenant leur neveu, Adamka. Budapest, 1944. La guerre Un jour, je suis allé rendre visite à un ami qui habitait l’immeuble où notre famille avait vécu avant de fuir à Budapest. Pendant que je m’y trouvais, un détachement de soldats hongrois est entré dans la cour intérieure du bâtiment et a aligné tous les Juifs qui habitaient l’immeuble pour les embarquer. Tandis que je me dirigeais vers la porte de sortie, un soldat m’a arrêté.« Où vas-tu comme ça ?– Je pars. Je ne vis pas ici.– Mais tu es juif ! s’est-il exclamé après m’avoir fusillé du regard.– Non, je ne suis pas juif », lui ai-je répondu.– Dans ce cas, que fais-tu ici ? »Je savais qu’en lui avouant que je rendais visite à un ami juif, je ne m’attirerais que des ennuis. Heureusement, je me suis souvenu que des sirènes annonçant des raids aériens avaient retenti juste avant l’arrivée des soldats. « Je me suis réfugié ici dès que j’ai entendu l’alerte. »Un officier est alors arrivé et le soldat lui a raconté ma version des faits. « Oh, ne t’embête pas avec ça. Laisse-le partir », lui a-t-il ordonné.Alors qu’il me conduisait vers la sortie, le soldat m’a dit : « Je pense tout de même que tu es juif. »Je lui ai répliqué avec arrogance que l’erreur était humaine et je suis reparti, libre.J’étais si fier de ma présence d’esprit face au soldat que cette histoire a plus tard fait l’objet de mon premier texte publié, paru dans mon album des finissants. Ce n’est qu’au cours de ces dernières années que j’ai réalisé la gravité de la situation : j’aurais pu être capturé par les soldats hongrois et ma famille n’aurait jamais rien su de mon sort funeste. Je l’ai échappé belle à de nombreuses reprises, et je pense aujourd’hui que la survie en ces temps difficiles dépendait d’un esprit vif, d’évasions miraculeuses et d’une forte volonté de vivre. Mais je n’en étais pas concient à l’époque ; nous faisions tout simplement le nécessaire pour subsister. À propos de l'auteurLeslie Mezei est né le 9 juillet 1931 à Gödöllő, en Hongrie. Il a émigré au Canada en 1948, où il a terminé ses études secondaires, avant d’obtenir un baccalauréat en mathématiques et physique à l’Université McGill, puis une maîtrise en météorologie à l’Université de Toronto. Après avoir travaillé entre 1955 et 1965 comme analyste et programmeur de systèmes informatiques, Leslie est devenu professeur d’informatique à l’Université de Toronto. Considéré comme un pionnier dans le domaine de l’art numérique, ses articles ont paru régulièrement dans les revues Computers and Automation etArtsCanada. Leslie a également mis au point deux nouveaux langages de programmation graphique, et créé des œuvres d’art numérique novatrices, exposées à l’international. En 1953, il a épousé Annie Wasserman avec qui il a eu deux enfants. Sa femme est décédée en 1977. Aujourd’hui, Leslie vit à Toronto avec son épouse Kathy. Depuis plusieurs années, il s’est engagé au sein d’un mouvement interconfessionnel et interspirituel dont la mission consiste à faire passer un message d’unité dans la diversité. En outre, il a dirigé durant de nombreuses années la publication du journal Interfaith Unity News.
L’amour au temps des persécutions
Anka Voticky, Frapper à toutes les portes Arnold et Anka avec leur bébé, Milan, 1934. À mon mari, Arnold. On dit que les souvenir...
Se souvenir de Kristallnacht, 80 ans après
La montée des persécutions Plusieurs survivants publiés dans le cadre du Programme des mémoires de survivants de l’Holocauste témoignent de la montée des persécutions à l’encontre des Juifs en Allemagne avant la Seconde Guerre mondiale, dont Kristallnacht constitue le point culminant. Née à Cologne (Allemagne) en 1928, Margrit Rosenberg Stenge n’est qu’une enfant lorsqu’elle expérimente pour la première fois les retombées de la politique antisémitique nazie. Contrainte de poursuivre sa scolarité dans une école juive, elle raconte dans ses mémoires Le Chalet du silence ses inquiétudes. Après avoir dû changer d’école, j’ai compris qu’une forme d’opprobre était associée à mon identité juive. J’ai surpris des conversations entre mes parents au sujet d’Adolf Hitler et de l’antisémitisme qu’il prêchait, bien qu’ils ne se sentaient pas encore ciblés par ces discours […] Mais, à mesure que la voix du Führer accaparait les ondes, ses vociférations et divagations à l’encontre des Juifs aggravaient d’autant la contrariété de mon père. (8) Comme en témoigne Margrit, la politique nazie qui vise à isoler et humilier la population juive allemande s’accompagne rapidement d’actes de violence et de vandalisme.Dans ses mémoires Un Terrible revers de fortune, Fred Mann se souvient de Kristallnacht et de la destruction du quartier juif de Leipzig. Carte d’identité allemande de Fred Mann délivrée à Leipzig le 11 juillet 1939. Cette nuit-là, la somme de toutes les informations et de tous les symboles traditionnels qui témoignaient de la vie de la communauté juive à Leipzig et dans le reste de l’Allemagne, est partie en fumée. (45) En traversant la ville à pied, j’ai découvert avec stupeur les synagogues incendiées et les magasins juifs pillés et mis à sac. Le quartier juif de Leipzig […] avait connu le pire. Cette nuit-là, presque tous les commerçants et les grossistes juifs avaient perdu leurs biens. La destruction avait été non seulement totale, mais systématique (51). Lors de la Nuit de cristal, on avait non seulement mis le feu à des synagogues et détruit des biens juifs, mais cette nuit-là avait également servi de test. Elle avait démontré l’efficacité de nombreuses années de propagande antijuive, témoignant du lavage de cerveau subi par la population. Le peuple n’avait manifesté aucune réticence à participer à cette œuvre de destruction. Les visages des Allemands photographiés pendant cette nuit impardonnable où on leur avait donné la « liberté de détruire » en disent long. On nous répète que seule une partie de la population avait pris part aux événements atroces de cette nuit-là, mais dès lors qu’on scrute les spectateurs, on ne constate guère de différence entre l’expression de leurs visages et celle des auteurs de ses crimes. Le reste du monde n’a aucune excuse de n’avoir pris aucune mesure à l’encontre des Allemands pour signifier le caractère parfaitement intolérable de tels actes. À partir de quand étions-nous en droit d’attendre que des êtres humains dignes de ce nom prennent enfin position face à des actes de destruction volontaires et des meurtres entièrement planifiés? (51) Dans cette vidéo, Joseph Schwarzberg témoigne de Kristallnacht (Nuit de cristal) à Leipzig, alors qu’il était âgé de 12 ans. <span id="selection-marker-1" class="redactor-selection-marker"></span> Les mémoires de Joseph Schwarzberg Dangerous Measures seront disponibles (en anglais) le 25 novembre 2018. Pour en apprendre davantage sur Joseph et pour commander son livre : 80 ans après… Dans le contexte politique actuel, se souvenir de Kristallnacht constitue un devoir de mémoire, mais aussi un rappel de l’importance des valeurs de tolérance et de respect de l’autre. Plusieurs commémorations de Kristallnacht auront lieu cette semaine à travers le Canada, notamment à Vancouver, Toronto et Montréal. Pour en apprendre davantage sur les mémoires de survivants de l’Holocauste publiés par la Fondation Azrieli
Extrait : Flights of Spirit
Elly (debout) enseignant à la Fachschule(école de commerce) du ghetto de Kovno. Des seringues sur un plateau L’événement le plus dramatique de ma vie a eu lieu durant l’été 1944. J’avais seize ans quand j’ai été confronté à la mort. En temps de guerre, la mort peut frapper à tout moment. Mais, ce jour-là, la mort ne devait pas venir de la main de mon ennemi, mais de celle de ma mère bien-aimée. Je me cachais dans le sous-sol avec ma mère, mon père, mes trois oncles et ma tante. Nous avions obstrué l’accès à la pièce à l’aide d’une vieille armoire et nous restions assis à écouter les bruits venant de l’extérieur. Nous avions convenu d’un commun accord que nous préférions mourir dans ce sous-sol plutôt que d’être arrêtés et fusillés au Neuvième fort de Kaunas en Lituanie. Ma mère, qui avait été infirmière en chirurgie à l’hôpital du Ghetto, s’était vue confier la tâche d’organiser notre suicide collectif. Ainsi, elle avait rempli plusieurs seringues d’un puissant médicament pour le cœur et prévoyait de nous en injecter une dose excessive dans les veines pour provoquer un arrêt cardiaque. J’observais ma mère tandis qu’elle préparait un plateau recouvert d’un tissu blanc et propre. Elle avait disposé sur le plateau un flacon d’alcool à usage médical et une boule de coton à côté de chaque seringue. Je trouvais cela amusant. Comme il s’agissait d’une injection létale, j’ai rappelé à ma mère qu’il n’était pas nécessaire de respecter les règles d’hygiène habituelles. Hormis ma mère, tout le monde s’est mis à rire, et elle a enlevé du plateau les boules de coton. Rester assis des jours durant dans ce sombre sous-sol était d’un ennui indescriptible. J’ai eu le temps de réfléchir et de nombreuses questions me sont venues à l’esprit : que ressent-on quand on meurt ? Le cerveau continue-t-il de fonctionner après l’arrêt du cœur ? Ma mère était une femme forte à qui je faisais confiance, mais saurait-elle me faire à moi, son fils unique, la première injection ? J’ai essayé d’imaginer ma mère nous administrant la piqûre à tous les six, avant de s’injecter elle-même. Puis, j’ai essayé de nous imaginer, tous les sept, allongés sur le sol, attendant que le médicament fasse son effet. Que nous dirions-nous ? Allions-nous rire ou pleurer ? Est ce que ça serait douloureux ? En essayant de me représenter la scène, j’ai décidé qu’il serait préférable de passer le premier — je ne voulais pas assister à tout cela. Je vais maintenant essayer de décrire les circonstances qui ont pu pousser une femme comme ma mère à envisager de tuer son fils et sa famille. Nous avons conclu ce pacte suicidaire après avoir passé trois ans, entre 1941 et 1944, dans le ghetto de Kaunas — devenu par la suite le camp de concentration de Kauen — en Lituanie. Pour comprendre mon récit, il faut savoir ce qui se passait dans le ghetto de Kaunas pendant ces trois années.À propos de l'auteur Elly Gotz est né en 1928 à Kovno (Kaunas) en Lituanie. Elly et ses parents ont immigré en Norvège en 1947, puis au Zimbabwe. Il s’est installé à Toronto en 1964, où il a fondé plusieurs entreprises et concrétisé son rêve de devenir pilote. En 2017, alors âgé de 99 ans, il a réalisé une autre ambition : effectuer un saut en parachute.