Table ronde - Question du genre pendant et après la Shoah: Récits de survie et d’immigration au Canada

Presenters

Sonia Sarah Lipsyc : La résistance spirituelle et religieuse des femmes dans les ghettos et les camps durant la Shoah.

L’opposition à la barbarie nazie revêt plusieurs aspects dont la résistance culturelle, spirituelle et religieuse. Le projet funeste du nazisme, concernant les Juifs, visait leur extermination, à l’échelle individuelle et collective mais aussi la destruction de leur expression créative, traditions et religion. L’enjeu pour les persécuté.es était ainsi autant physique que métaphysique : tenter de survivre, dans la dignité, l’héritage et la continuité de celui-ci. Dans le cadre de cette communication, nous nous attacherons à la résistance culturelle mais surtout spirituelle et religieuse incarnée par des femmes juives dans les ghettos et les camps durant la Shoah. Comment ont-elles, au péril de leur vie, tenter de se rendre au bain rituel (mikvé), respecter des fragments de fêtes juives, prier, chanter, étudier, etc. Quelles leçons sur la pérennité du judaïsme et sur la résilience peut-on tirer de ces actes de résistance ? Nous donnerons plusieurs exemples notamment à partir des témoignages de survivantes de l’Holocauste qui ont choisi après la guerre de vivre au Canada.

Deborah Barton : Survie et témoignage dans le journal et le mémoire de Molly Appelbaum.

Cette présentation traitera de l'impact du genre sur les expériences vécues par Molly Applebaum lorsqu'elle était une jeune fille cachée en Pologne pendant la Seconde Guerre mondiale et sur son parcours d’immigrante au Canada après la guerre. Elle examine comment le fait d’être une jeune femme a rendu Molly et ses semblables plus vulnérables aux violences (entre autres) pendant et après la guerre.

Ariane Santerre : L’écriture testimoniale à chaud : Analyse littéraire de Pendant la saison des lilas d’Anna Molnár Hegedűs

Cette communication s’interrogera, en deux temps, sur deux aspects propres à ce témoignage : le genre féminin de son auteure, de même que la période particulière de sa publication. La première partie se penchera sur le témoignage d’Anna Molnár Hegedűs sous l’angle des études de genre, en tâchant cependant d’éviter les écueils d’une catégorisation étanche entre « expérience féminine » et « expérience masculine » qui porte de plus le risque d’évacuer la dimension individuelle de la représentation de cette expérience, comme le soulève Anna Hardman. La seconde partie effectuera une analyse littéraire en repérant, dans Pendant la saison des lilas, certaines techniques narratives récurrentes dans les témoignages de l’immédiat après-guerre, notamment celle faisant appel à l’intermédialité.

Rémy Besson : Rendre visibles les témoignages des survivant-es de la Shoah à Montréal : un essai de dispositif filmique

Dans l’introduction d’un récent numéro de la revue Vingtième Siècle consacré à L’histoire de la Shoah face à ses sources (2018/3 n. 139), l’historienne Claire Zalc écrit « les récits ex post se construisent au cours d’interactions particulières et contextualisées, intégrant bien souvent la lumière de faits appris, lus ou redécouverts. Croiser les témoignages, sur un même fait, conduit à mettre en évidence leur plasticité » (p. 17). Il est possible d’ajouter que cette plasticité a, bien souvent, moins à voir avec le récit tenu par les acteurs de l’histoire qu’aux modes de médiation qu’ils choisissent ou qui leur sont proposés. Témoigner par écrit, dans le cadre d’une collecte de sources orales ou filmées, face à la caméra d’un-e journaliste ou d’un-e réalisateur conduisent, en effet, à inscrire leurs propos dans des régimes de visibilités bien différents. Cette communication repose sur le partage de capsules audiovisuelles issues d’entretiens filmés menés à l’automne en 2019 avec deux survivants de la Shoah d’origine hongroise vivant à Montréal, Judy Abrams et Leslie Vertes, qui ont déjà publié leurs mémoires et qui ont accepté d’être filmé à deux reprises, d’abord lors d’une captation à une caméra, proche de l’histoire orale, puis dans un dispositif filmique à deux caméras mettant en scène leur mémoire corporelle. En prenant notamment en compte leur genre, la communication revient sur ce que ces gestes créateurs différents (écriture, collecte, dispositif) changent à leur témoignage de sortie de guerre et d’immigration au Québec.

Christine Chevalier-Caron : De l’invisibilisation à la visibilisation : la portée des analyses de genre dans l’analyse des parcours de survivants.es de la Shoah

Les études migratoires, et d’autant plus lorsqu’elles sont relatives à la discipline historique, sont fortement marqué par l’androcentrisme. En ce sens, les parcours féminins et les dynamiques genrées sont trop souvent peu abordés ou sont complètement invisibilisées. L’étude des parcours migratoires faisant suite à la Shoah ne semble pas avoir échappé à cette tendance. Dans le cadre de cette présentation, nous nous intéresserons aux dynamiques et différences genrées dans les parcours et témoignages de survivants.es de la Shoah établis.es à Montréal. Cette présentation débutera par un volet théorique lors duquel les portées de l’analyse de genre en études migratoires seront présentées. Dans un second temps, nous allons démontrer comment ces analyses se déploient à partir de témoignages de survivants et de survivantes.