Si, par miracle
Je me souviendrai toujours des dernières paroles de ma mère : « Si, par miracle, tu survis, il faut que tu témoignes et que tu dises au monde libre ce qui nous est arrivé. » Je suis le seul survivant de l’Holocauste de la grande famille de ma mère, laquelle comptait à l’origine plus de 150 personnes. Du côté de mon père figurent parmi les survivants son frère cadet, Shimon, le seul de ses sept frères, et quelques cousins. Voilà tout ce qu’il reste de ma famille.
Je me suis souvent demandé s’il était possible qu’un Dieu permette le meurtre de ma famille et de mon peuple, jeunes et vieux. Lorsque j’avais 10 ans, j’ai entendu les derniers cris des Juifs qui récitaient la prière Shema Yisraël en route vers les charniers. C’était à Nieśwież, la ville où je suis né. Enfant, j’étais en colère et déçu que Dieu ait permis cela, mais si j’avais adopté une vision négative de Dieu, j’aurais cessé de lutter pour survivre et, surtout, j’aurais trahi les dernières volontés de ma mère. J’en suis venu à la conclusion qu’il y avait un Dieu et qu’Il me donnerait la force de vivre et d’être libre à nouveau et, surtout, de venger le peuple juif. Je me suis souvenu de ce que j’avais appris à l’école hébraïque à propos de l’histoire de notre peuple, vieille de 2 000 ans – comment il avait survécu aux pogroms, aux massacres et aux inquisitions.
Un peu plus âgé, je m’en suis toujours tenu aux paroles de ma mère et je me suis promis que j’accomplirais ses souhaits en racontant aux Juifs comme aux non-Juifs, jeunes et adultes, tout ce que notre peuple a été forcé d’endurer pendant la guerre, en les implorant de transmettre à leur tour notre histoire aux générations futures pour que de pareils événements ne se reproduisent jamais plus.