L'Heure W
Arthur Ney
Juste avant l’Insurrection du ghetto de Varsovie au printemps 1943, Arthur Ney, 12 ans, parvient à s’enfuir à la campagne sous la fausse identité d’un Polonais chrétien. De retour à Varsovie des mois plus tard, il apprend que sa famille a disparu. Il passe le reste de la guerre dans un orphelinat catholique, luttant contre la solitude, la culpabilité et la peur. Le 1er août 1944, quand éclate l’Insurrection de Varsovie – désignée sous le nom de code Heure W –, il rejoint les barricades et combat pour la liberté.
Préface de Kalman Weiser
- At a Glance
- Poland
- Warsaw ghetto
- Warsaw Ghetto Uprising
- Hidden child
- Passing/false identity
- Warsaw City Uprising
- Postwar France
- Arrived in Canada in 1948
- Educational materials available: Enfants cachés
- Dans le ghetto de Varsovie : entre persécutions et résistance
- Arthur Ney
264 pages, including index
L'Heure W
La veille du combat
L’été approchait à grands pas et avec lui la puissante armée soviétique. Les raids aériens se produisaient désormais quotidiennement. Dès que la défense aérienne allemande détectait des avions au-dessus de Varsovie, les sirènes retentissaient, puis les projecteurs allemands balayaient le ciel. Peu après, le vrombissement des avions se faisait entendre et la lumière brillante des projectiles antiaériens venait se mêler aux faisceaux des projecteurs. Une scène spectaculaire. Nous avions inventé un nouveau jeu : parier sur le sort de chaque avion et sur le nombre de cibles qu’atteindraient les artilleurs. Mais les avions soviétiques qui se dirigeaient vers Berlin volaient trop haut.
Après avoir été témoin de quelques-uns de ces raids aériens, j’ai vu mon excitation se transformer en d’incessants gargouillements d’estomac. Mon état émotionnel se nourrissait de prédictions, de spéculations et de bribes d’informations concernant ce qui se passait autour de nous. Les rumeurs les plus folles disaient que les Américains s’apprêtaient à larguer des milliers de parachutistes au beau milieu de Varsovie ; que l’armée soviétique se trouvait déjà de l’autre côté de la Vistule, préparée à coordonner son attaque terrestre avec les parachutistes américains ; et que les partisans étaient prêts à sortir des forêts pour prendre le contrôle des ponts de Varsovie afin de faciliter l’entrée des troupes soviétiques dans la ville. Il s’est avéré que cette dernière rumeur était fondée sur un véritable accord conclu entre la résistance polonaise et l’armée soviétique.
Le 1ᵉʳ août 1944 a été une journée de grande fébrilité et de totale confusion. Le père Stefanowski m’avait demandé de me rendre à une certaine adresse pour aller chercher des hosties pour la communion et j’étais tout excité de voir par moi-même ce qui se passait dans les rues. Des groupes de jeunes, hommes et femmes, ainsi que quelques adultes, se tenaient près des murs fraîchement placardés d’affiches de différents formats. Après m’être assuré qu’il n’y avait ni soldats allemands ni agents de la Gestapo en vue, je me suis approché d’une affiche : on appelait le peuple polonais à s’insurger et à se joindre à l’un des groupes de résistance qui se battaient pour la libération de Varsovie et de la Pologne. On y proclamait que la « guerre sainte » était imminente. D’autres affiches affirmaient que l’armée soviétique et des contingents polonais traverseraient la Vistule pour participer à l’Insurrection.
Exalté par tout cela et retenant des larmes de joie, j’ai aperçu nombre de jeunes hommes avec une arme à l’épaule sous leur veste ouverte. Beaucoup d’entre eux portaient un brassard rouge et blanc frappé des initiales d’un parti politique. Aucun n’était en uniforme, mais pour moi, il s’agissait des soldats les mieux vêtus et les mieux équipés que j’aie jamais vus. Ils regardaient leur montre à tout moment, ce qui confirmait à mes yeux que l’insurrection allait bien être déclenchée à 17 heures comme l’annonçaient certaines affiches.
Une fois parvenu à destination, j’ai regardé de nouveau les affiches pour évaluer le temps qu’il me restait, puis je suis revenu en courant dans les rues à présent désertes. Il n’y avait manifestement plus de patrouilleurs allemands. Par contre, des véhicules remplis de soldats allemands armés jusqu’aux dents filaient à toute allure, sirènes hurlantes ; d’énormes mitrailleuses antiaériennes prêtes à l’emploi, bandes de cartouches engagées, étaient montées à l’avant et à l’arrière de chaque camion.
À l’orphelinat, tout le monde était déjà au courant. On nous a dit de nous préparer pour 17 heures. Il restait très peu de temps. Étant parmi les plus grands de l’orphelinat, j’avais peu de camarades de mon âge, mais nous avons tous commencé à discuter de ce qu’il convenait de faire. Nous nous sommes vite aperçus que nous avions tous un plan différent et en fin de compte, seuls deux d’entre nous souhaitaient s’enrôler, dont moi. J’étais très enthousiaste à l’idée de me battre : je voulais aider à libérer mon pays et j’avais soif de vengeance. Cependant, je ne pouvais dire à personne que ma priorité après ce soulèvement (dont j’étais certain que nous sortirions vainqueurs) serait de découvrir ce qui était arrivé à ma famille. Pour l’instant, il était hors de question que je révèle ma véritable identité.
Mon futur compagnon d’armes et moi avons convenu d’attendre le début des combats avant d’annoncer notre plan à Pan Kapusta et de lui demander la permission de partir. Notre conversation avec lui dans la cour s’est déroulée comme nous l’espérions : après nous avoir félicités pour notre bravoure au moment où la Pologne avait le plus besoin de nous, il nous a conseillé de nous préparer le soir même en vue d’un départ le lendemain matin. Mais auparavant, nous sommes allés rejoindre les autres élèves et le personnel qui se trouvaient dans la rue. On entendait le tir nourri des armes légères et les rafales des mitrailleuses. Selon certains des garçons, les armes légères appartenaient certainement aux résistants, tandis que les mitrailleuses étaient des armes allemandes. En parcourant des yeux la rue et les immeubles, j’ai été touché de voir la multitude de drapeaux polonais de différents formats qui flottaient au vent. Ils étaient accrochés aux fenêtres, aux balcons et aux portails.
Mais le moment le plus palpitant de cette journée mémorable a été de voir passer toute une unité de combattants de la Résistance sous les acclamations de la foule. À nos yeux, ces héros étaient des anges envoyés du ciel pour nous délivrer des profondeurs de l’enfer. Ils formaient sans conteste une bande hétéroclite – durant l’Insurrection, jamais je n’ai vu d’unité représentant plus d’un parti politique marcher sous les ordres d’un unique commandant. La seule chose qu’ils avaient en commun était ce désir brûlant de vengeance qui se lisait sur leurs visages.
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About the author
Arthur Ney (1930–2016) was born in Warsaw, Poland. He came to Canada in 1948 and settled in Montreal, where he married Susan and raised a son. Arthur persevered in finding employment, eventually becoming self-employed selling furniture. After Susan’s death, he married Kathleen and had a second son. Arthur was dedicated to Holocaust education and frequently spoke to students about his wartime experiences.
Deux catastrophes évitées de justesse en un jour : le Soulèvement n’avait rien à voir avec les jeux de cowboys auxquels Józek et moi jouions avant la guerre. Il s’agissait d’une vraie bataille, avec de vrais morts et de vrais blessés.