Chapitre 3

Une nouvelle vie au Canada

Après la guerre, la plupart des survivants ont voulu quitter l’Europe pour commencer une nouvelle vie. Mais ce n’était pas toujours facile. Certains pays avaient imposé des restrictions quant au nombre de réfugiés autorisés à entrer sur leur territoire. Ainsi, entre 1939 et 1947, seuls 5 000 réfugiés ont été accueillis au Canada. Le pays a ensuite élargi l’immigration aux réfugiés juifs d’Europe. Parmi eux figuraient 1 123 orphelins de guerre parrainés par la communauté juive canadienne.

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Deux femmes posent côte à côte en souriant. La plus jeune des deux porte une toge et un mortier.

Eva Felsenburg Marx à 19 ans et sa mère, lors de la remise du diplôme d’Eva au Collège Macdonald. Sainte-Anne-de-Bellevue, Québec, 1956. Fondation Azrieli, avec l’aimable autorisation d’Eva Felsenburg Marx.

Les jeunes Juifs arrivés au Canada en tant que réfugiés ont dû s’adapter à une nouvelle culture et à une nouvelle langue, ainsi qu’aux us et coutumes de la vie familiale et scolaire au Canada.

C’est à l’école qu’ils se sont intégrés à de nouvelles communautés et se sont sentis différents, qu’ils ont noué de nouvelles amitiés ou souffert d’aliénation. Si pour certains survivants les compétences acquises dans les écoles canadiennes les ont aidés à commencer une nouvelle vie, tous n’ont pas eu cette chance.
Environ 40 000 réfugiés juifs se sont installés au Canada après l’Holocauste. Voici les récits de lutte, de résilience et de renouveau de jeunes Juifs qui ont dû relever les défis qui sont ceux de l’immigration.

La traversée à destination du Canada

« En avril 1948, nous avons rassemblé nos quelques affaires et nous sommes repartis. Nous avons traversé l’océan à bord d’un grand navire polonais, le Sobieski, qui m’a permis de découvrir d’autres merveilles que je n’avais encore jamais vues : des ponts avec des escaliers à arpenter et des salles à manger où les repas nous étaient servis par des serveurs. Hormis un léger mal de mer, nous avons passé une semaine merveilleuse. En approchant de Halifax, nous espérions tous nous installer définitivement au Canada. »

Le projet des orphelins de guerre

En 1947, le Congrès juif canadien a réussi à convaincre le gouvernement canadien d’autoriser l’immigration d’environ un millier de jeunes réfugiés au Canada.

La majorité d’entre eux avaient perdu leurs parents et devaient repartir à zéro, seuls. À leur arrivée au Canada, certains jeunes ont été propulsés dans la vie adulte : ils ont dû trouver un emploi pour payer leur loyer. D’autres ont été adoptés par une famille et ont pu poursuivre leur scolarité.

Un nouveau nom et une nouvelle langue

« Bloor Collegiate était situé près de chez nous. C’est ma mère d’adoption qui m’y a emmenée la première fois et le directeur en personne, M. Noble, m’a fait passer une entrevue au moment de l’inscription. J’ai compris ce qu’il disait quand il m’a demandé mon nom et mon âge. J’ai fait bien attention en donnant ma réponse de donner mon nouveau nom attribué par les autorités d’immigration : “Je m’appelle Catherine Mozes-Nagy et j’ai 15 ans.” Il a poursuivi en disant : “Vous avez 15 ans ?” et j’ai répondu : “J’avez.” »

Différente

« Vingt-quatre paires d’yeux m’ont scrutée tandis que je leur faisais face, semblable à un insecte exotique empalé sur le tableau noir. Des affiches de paysages sauvages décoraient les murs […] Ces scènes m’étaient aussi étrangères que les paroles qui sortaient de la bouche de l’enseignante. En Hongrie, je pouvais situer les fleuves du pays sur la carte murale de ma classe, le Danube et la Tisza, ainsi que tous les pays avec leurs capitales. Je pouvais réciter les poèmes des célèbres poètes hongrois, Petőfi, Arany et Endre Ady. Mais à quoi bon maintenant ? Personne ici ne comprendrait, ni ne s’en soucierait. »

Lecture

La barrière de la langue

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Chana Broder a dû surmonter des difficultés lorsqu’elle a commencé à fréquenter l’école au Canada.

L’école secondaire

« Mon cœur battait la chamade, mes genoux tremblaient. Je n’avais pas mis les pieds dans une école depuis neuf ans […] Je me sentais à la fois enthousiaste et appréhensif. Quand la guerre avait éclaté, je n’avais fini que ma 4e année. Durant le conflit, je n’avais eu ni la chance ni l’envie d’aller à l’école […] [J]’ai pris mon courage à deux mains et j’ai franchi les portes de l’établissement […] Sortir diplômé du secondaire a été une étape que je ne croyais jamais atteindre. »

La remise des diplômes

« Quand on m’a remis mon diplôme de droit sur le campus de McGill, j’ai dit à ma mère – qui assistait à la cérémonie – que c’était sa réussite et que tout le mérite lui revenait, tout en lui rappelant qu’elle avait été la première à m’éduquer… Si j’avais refusé de me rendre à [cet établissement] d’enseignement, je sais qu’elle n’aurait pas hésité à me soulever et à m’y porter, tout comme elle l’avait fait à l’époque où j’étais un enfant choyé et que nous devions traverser les flaques boueuses. »

Lecture

Les réussites

00:54

Arrivée au Canada, Martha Salcudean a mené une brillante carrière universitaire dans le domaine de l’ingénierie.

Une éducation culturelle

« Je vouais une véritable passion aux arts de la scène depuis mon adolescence passée dans le camp de personnes déplacées. Aussi, lorsque nous sommes arrivés à Montréal […], [je] voulais devenir chanteur d’opéra […] En réalité, je n’en avais tout simplement pas les moyens […]

En 1971, mon ami le plus cher, Sidney Zoltak, qui était membre du Théâtre yiddish Dora Wasserman, m’a demandé de rejoindre cette merveilleuse troupe qui montait des comédies musicales et des pièces de théâtre en yiddish. Ainsi, j’ai commencé une carrière théâtrale non professionnelle qui a duré une quarantaine d’années et qui, dans une moindre mesure, se poursuit encore aujourd’hui. »

Rattraper le temps perdu

« Même si j’avais toujours voulu faire des études supérieures, j’avais quitté le secondaire prématurément pour subvenir aux besoins de ma famille. Je me suis inscrite à l’Université York en tant qu’étudiante adulte tandis que Ricky se préparait à obtenir son premier diplôme. Je pense qu’il était gêné d’avoir sa mère à ses côtés. Chaque fois qu’il me voyait arriver, il se cachait derrière son journal […] C’était une période assez difficile, mais très enrichissante. Quand j’y repense, je me souviens que, malgré les difficultés, ces années ont été les plus heureuses. »

chronologie

Le droit à l’éducation

Selon l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), 258 millions d’enfants et de jeunes n’étaient pas scolarisés en 2018. La perturbation de l’éducation demeure un problème pour celles et ceux qui vivent dans des régions instables et touchées par des conflits.

Cliquez sur « En savoir plus » pour accéder à une chronologie des efforts déployés pour protéger les enfants et les jeunes, et leur offrir un meilleur avenir grâce à l’éducation.

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Conclusion

Voilà que s’achève cette exposition dédiée au rôle qu’a pu jouer l’éducation dans la vie quotidienne des jeunes avant, pendant et après l’Holocauste. Nous avons mis en lumière de nombreux aspects de cette période : ce qui peut arriver quand l’école devient un lieu d’exclusion, de même que les risques que sont prêtes à courir certaines personnes pour poursuivre leur apprentissage et avoir droit à une éducation.

À la lumière de ce que vous avez pu lire et observer au cours de cette exposition, quel est, selon vous, le pouvoir de l’éducation ?

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