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Seul dans la tourmente

De Bouquets et Travaux forcés

Miklós Horthy, le régent de la Hongrie, a déclaré qu’il avait l’intention de demander la paix aux Alliés et à l’Union soviétique. Le jour même, le parti fasciste des Croix fléchées, avec l’appui du régime nazi, a usurpé le pouvoir par un coup d’État. Au lieu de réintégrer son unité, George est entré en clandestinité.

C’était le chaos. Le lieutenant Ujvary m’a convoqué dans son bureau et m’a dit : « Mon garçon, je suis désolé de te dire que tu dois emballer ton atelier de réparations dans des boîtes – tout. Notre unité est sur le point de partir. Si tu as des projets, parles-en au deuxième classe Jozsi Denes, le Tsigane, et procure-toi de l’argent. Je te souhaite bonne chance et, si nous survivons à cette maudite guerre, nous fêterons ça ensemble. Ce que je t’ai dit est confidentiel. » Je lui ai serré la main et j’ai répondu : « Je vous remercie et vous souhaite bonne chance aussi. Vous avez su être droit et intègre. Que Dieu vous garde. »

J’ai compris le message d’Ujvary. J’ai révélé à Tibor et à huit autres proches amis que j’envisageais de m’enfuir car, vu la prise de pouvoir du gouvernement, l’unité serait presque certainement obligée de partir prochainement en Allemagne pour travailler à l’effort de guerre. Je leur ai ensuite demandé de se joindre à moi. Je leur ai dit que nous aurions à payer une sentinelle qui accepte de fermer les yeux sur notre évasion. Nous nous sommes arrangés pour réunir le peu d’argent que nos familles nous avaient donné.

Le lendemain soir, j’ai demandé à Jozsi, le soldat de garde, de venir me voir à l’atelier afin que j’ajuste les talons de ses bottes. Je lui ai dévoilé notre plan et lui ai demandé sa coopération. Je lui ai donné l’argent que nous avions réuni dont la somme a semblé lui plaire. Notre plan comptait sur le fait qu’il montait la garde le matin, à l’entrée secondaire dont la clôture était en planches de bois. Il a dit qu’il regarderait intentionnellement dans l’autre sens pendant 10 minutes. Ce délai serait suffisant pour nous échapper tous les dix en déplaçant une planche mal ajustée de la clôture.

Tout était réglé. J’ai placé mon matériel de réparations de chaussures dans des boîtes et j’ai laissé tous mes vêtements suspendus à leurs clous. À 5 heures le lendemain matin, nous avons quitté la pièce en silence. Jozsi était présent, comme convenu. J’ai été le dernier à passer la clôture. Une de mes jambes était à l’extérieur de la palissade quand un détachement de l’armée allemande d’environ 50 soldats a fait son apparition. J’ai immédiatement fait semblant d’être en train de réparer la clôture endommagée. Les soldats m’ont jeté un coup d’oeil, mais ne se sont pas arrêtés. Quelques secondes à peine avant l’échéance des 10 minutes, j’ai pu me dégager et fuir. Je l’avais échappé belle !

J’ai fait glisser le brassard jaune de mon bras et dit adieu à mes amis. Mon argent à la main, je suis monté dans le premier tramway qui passait. Heureusement, il était presque vide et le conducteur, un vieil homme, n’a pas semblé se soucier de qui j’étais.

Quand je suis revenu à Budapest après la guerre, j’ai été attristé d’apprendre qu’aucun des amis avec lesquels je m’étais échappé n’avait survécu.

Seul dans la tourmente, Leslie Vertes

En 1944, le jeune Leslie Vertes, âgé de 20 ans, s’évade d’une unité de travaux forcés à Budapest et parvient à survivre sous une fausse identité. À l’issue de la guerre, alors qu’il pensait vivre libre et sans crainte, le nouveau régime soviétique l’envoie en captivité, le condamnant à des travaux éreintants. Leslie finit par reconstruire sa vie et rencontrer l’amour, jusqu’à ce que la révolution hongroise de 1956 le contraigne à fuir son pays. C’est en arrivant au Canada avec sa famille que Leslie découvre enfin l’espoir et le vrai goût de la liberté.

Préface de Christine Schmidt

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En bref
Hongrie
Travaux forcés
Fausse identité
Régime des Croix fléchées
Siège de Budapest
Camps de travaux forcés en Union soviétique après la guerre
Révolution hongroise de 1956
Immigration au Canada en 1957
Adaptation à la vie canadienne
Tranche d'âge recommandée
14+
Langue
Français

208 pages

À propos de l'auteur

Photo of Leslie Vertes

Leslie Vertes est né en 1924 à Ajak (Hongrie). Il a immigré avec sa famille au Canada en 1957. Très engagé dans l’enseignement de l'histoire de l’Holocauste, Leslie a fait du bénévolat pour plusieurs organisations de Montréal. Il a reçu en 2015 la Médaille de la paix du YMCA du Québec et le Prix du Gouverneur général pour l’entraide, en reconnaissance de son bénévolat et de sa contribution à la communauté. Leslie Vertes est décédé en 2022.

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