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Le Colis caché

La Séparation

Avant que j’aille me coucher, mes parents m’ont annoncé qu’Ollie et moi partirions le lendemain avec un dénommé Pauw. Ils voulaient attendre le matin pour en parler à Ollie. J’ai demandé qui était ce Pauw que je ne connaissais pas, mais je n’ai pas cherché à savoir pourquoi nous devions partir. Je comprenais que Mam et Pap devaient avoir de très bonnes raisons. J’ai repensé aux propos qu’ils avaient échangés au cours de l’après-midi et que j’avais surpris à leur insu.

Au tout début de la guerre, les Allemands avaient installé des roquettes dans le parc proche de notre maison. Des sites de lancement semblables existaient dans divers pays d’Europe ; aux Pays-Bas, c’était à Rotterdam. La nuit, quand les roquettes fusaient, elles produisaient un vacarme assourdissant. Couchée dans mon lit, je ne pouvais éviter de les entendre. Je m’y étais plus ou moins accoutumée, mais cette nuit-là, elles faisaient plus de bruit que jamais. Je me suis bouché les oreilles, en vain. Chaque fois que les projectiles passaient au-dessus de notre maison, je tremblais de peur. Mais ce que j’allais vivre le lendemain m’inquiétait encore davantage. Comment allais-je annoncer à Ollie que nous devions quitter Mam et Pap ?

Tous les jours, nos parents nous réveillaient à 7 heures. Mais en ce matin d’octobre, quelque chose clochait dans leur comportement. Pendant le petit-déjeuner, ils avaient l’air tendus et chuchotaient entre eux. Après, ils nous ont demandé de faire très attention à ce qu’ils allaient nous dire. Ils nous ont alors expliqué qu’Ollie et moi allions habiter ailleurs pendant un certain temps. J’étais déjà au courant mais j’en ai conçu de la peur malgré tout, car je ne savais rien de notre destination ni de la durée de cet éloignement.

Croyant que nous partions en vacances avec Mam et Pap, Ollie a fait sa petite valise, très heureuse à l’idée de cette aventure. De deux ans ma cadette, elle ne saisissait pas que nos parents nous éloignaient d’eux. Moi, par contre, je comprenais très bien qu’il ne s’agissait pas d’un voyage d’agrément.

Avant de partir, nos parents nous ont bien fait comprendre qu’il ne fallait jamais adresser la parole à des inconnus. Nous devions nous comporter comme les nièces de notre nouvelle famille, où nous aurions à faire semblant d’être chrétiennes. Nous devions dire à quiconque nous posait des questions que notre mère était à l’hôpital et que notre père travaillait en Allemagne. C’était une histoire parfaitement plausible à laquelle nous devions nous tenir si nous voulions survivre. Personne ne devait jamais savoir que nous étions juives.

Un peu plus tard, un inconnu, qu’on nous avait dit d’appeler « oom Pauw » , est venu nous chercher. Je n’avais toujours pas demandé à nos parents la raison de notre départ – je savais que nous n’avions pas le choix. Après avoir toutes deux fait nos adieux à Mam et Pap, nous sommes parties avec oom Pauw, un membre de la Résistance. Nous avons pris le train à la gare de Rotterdam. Nous devions nous rendre à Soestduinen, éloigné d’une centaine de kilomètres à peine, qui semblait pour moi se trouver à mille lieues de Rotterdam et de notre maison.

Je me souviens encore d’oom Pauw nous hissant dans le train, car le marchepied était trop haut pour nous. J’ai aussi le souvenir d’un transfert – je crois que c’était à Amersfoort –, où nous avons attendu notre correspondance dans la gare. Oom Pauw nous a donné à manger. Tout en avalant nos sandwichs, nous observions par la fenêtre les soldats qui patrouillaient sur le quai. Oom Pauw voulait éviter qu’on nous remarque. Il nous a recommandé de ne pas avoir peur, de ne regarder personne, de simplement nous concentrer sur nos sandwichs.

Nous ne savions pas exactement où il nous emmenait, mais après une heure de train, nous sommes arrivés chez notre nouvelle famille à Soestduinen, qui signifie « les dunes de Soest ». À proximité de ce petit village, situé au bord de la mer du Nord, se trouvait la résidence d’été de notre reine. Après son départ forcé du pays en 1940, dès le déclenchement des hostilités, son palais a été tantôt inoccupé, tantôt utilisé par les nazis. Nous étions loin de Rotterdam, loin de Mam et Pap.

Le Colis caché, Claire Baum

Près de 40 ans après la fin de la guerre, Claire Baum a ouvert un colis que lui a fait parvenir une inconnue de Rotterdam, déclenchant un flot de souvenirs d’enfance refoulés. En replongeant dans son passé, Claire a mis au jour le sacrifice et le courage de ses parents, de la Résistance néerlandaise et des familles qui lui ont procuré un refuge ainsi qu’à sa sœur, Ollie. Le Colis caché met en scène ses années passées en clandestinité et rend hommage à tous ceux qui ont joué un rôle dans sa survie et ainsi, assuré la pérennité de sa famille.

Préface de Carolyne Van Der Meer

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En bref
Pays-Bas
Enfant en clandestinité
Dessins et lettres datant de la guerre
Immigration au Canada en 1951
Ressources éducatives disponibles: Enfants cachés
Claire Baum
Tranche d'âge recommandée
11+
Langue
Français

144 pages

Médaille de bronze décernée lors des Moonbeam Children's Book Awards en 2015

À propos de l'autrice

Photo of Claire Baum

Née en 1936 à Rotterdam (Pays-Bas), Claire Baum a été libérée par l'armée canadienne le 5 mai 1945, alors qu’elle vivait en clandestinité avec sa jeune sœur. En 1951, Claire et les siens ont immigré au Canada, où elle a épousé Seymour Baum en 1956. Ensemble, ils ont élevé trois enfants et fondé une entreprise très prospère. Depuis 1984, Claire s’est investie dans l’enseignement de l’histoire de l'Holocauste, elle s'adresse principalement à de jeunes étudiants avec qui elle partage ses expériences durant la guerre et sa gratitude envers le Canada, le pays de ses libérateurs. Claire vit à Toronto.

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